1. État des lieux des échanges commerciaux entre Madagascar et les États-Unis
En 2024, les exportations malgaches vers les États-Unis ont atteint 753,2 millions de dollars, selon les données de Trading Economics. En comparaison, Madagascar n’a importé que pour environ 53,4 millions de dollars de produits américains. Cette balance commerciale largement excédentaire pour Madagascar explique en partie le niveau élevé du tarif douanier imposé, selon la nouvelle formule de “réciprocité” américaine :
(Déficit commercial US / Exportations vers les US) ÷ 2 = Taux tarifaire (avec un minimum de 10 %)
Ce calcul mécanique ne tient pas compte de la capacité réelle des pays à importer ou non, ni de la vulnérabilité de leurs économies. D’où des taux élevés pour plusieurs pays en développement.
2. Quels produits sont concernés ?
Parmi les principales exportations malgaches vers les États-Unis :
- Textile et habillement (tricoté et non tricoté) : environ 204 millions de dollars
- Vanille et autres épices : 84 millions de dollars
- Nickel et autres minerais : environ 83 millions de dollars
- Produits artisanaux et accessoires
- Produits de la mer (crevettes, crabes, etc.)
3. Quel impact pour l’économie malgache ?
Les États-Unis représentent près de 15 % des exportations totales de Madagascar. Le secteur textile emploie plus de 100 000 personnes, principalement dans les zones franches. Le marché américain a été un moteur de croissance pour ce secteur, notamment grâce à l’AGOA, un programme préférentiel qui permettait une exonération de droits de douane.La vanille, dont une grande partie est exportée vers les États-Unis, pourrait aussi voir sa demande diminuer si les prix montent en flèche pour les acheteurs. Cela pourrait entraîner une pression à la baisse sur les prix payés aux producteurs, avec un impact direct sur les revenus des agriculteurs, déjà soumis à une grande volatilité.
Quant aux minerais comme le nickel, leur statut de “minéraux critiques” pourrait les protéger de cette mesure, mais cela reste à confirmer dans les textes d’application.
4. Quelles marges de manœuvre pour Madagascar ?
a. La voie diplomatique bilatéraleLe premier levier reste celui du dialogue bilatéral. Même si les États-Unis ont adopté une méthode tarifaire automatique, il n’est pas exclu que des ajustements soient possibles à travers des discussions ciblées. Madagascar pourrait chercher à négocier des exonérations spécifiques pour certains produits comme le textile ou la vanille, en échange d’engagements sur l’ouverture du marché ou des coopérations sectorielles.
b. La diversification des marchés
Cette crise met en évidence la vulnérabilité d’une dépendance trop forte à un seul marché. Il est temps d’accélérer la diversification vers :
- L’Union européenne, partenaire historique
- Les marchés asiatiques, de plus en plus friands de produits bio et naturels
- Les pays africains, via la ZLECAF
- La région Indianocéanique, notamment Maurice, Seychelles, Réunion
c. L’amélioration de la compétitivité locale
Pour rester attractives malgré les hausses de tarifs, les entreprises doivent revoir leurs chaînes de valeur. Cela peut passer par la modernisation des équipements, la formation, l'automatisation, ou encore le co-investissement avec des partenaires stratégiques.
5. Une crise, mais aussi un électrochoc stratégique
Ce choc tarifaire, bien qu’inattendu dans sa forme, rappelle une réalité : l’économie mondiale est instable et politisée. Madagascar ne peut pas rester spectateur. Il est impératif de se doter d'une stratégie claire, à la fois commerciale, industrielle et diplomatique, pour défendre ses intérêts, diversifier ses partenaires et renforcer la résilience de ses chaînes de valeur.L’imposition d’un tarif de 47 % sur les exportations malagasy vers les États-Unis constitue un défi de taille. Mais au-delà des inquiétudes légitimes, cette situation peut aussi servir de déclencheur pour une réorientation stratégique du commerce extérieur de Madagascar. En renforçant ses capacités internes, en diversifiant ses partenaires, et en misant sur une diplomatie économique proactive, le pays peut transformer cette difficulté en opportunité.
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